Comment est né un tel projet ?
C’est lorsque j’étais encore étudiant au Royal College of Art que je me suis attaché à trouver des façons de produire des matériaux plastiques de manière durable et locale. Durable, car la pollution par le plastique constitue aujourd’hui un de nos problèmes majeurs. On ne peut plus se permettre de produire des matériaux qui mettent plusieurs centaines d’années à disparaitre. local parce que selon moi, si vous attachez les moyens de production à leur terroir, ils s’approprient un peu de l’identité régionale. Il s’agit, je pense, d’un moyen efficace de lutter contre la fuite des savoir-faire.
Pourquoi les écailles de poissons ?
Lorsqu’on s’intéresse à l’identité industrielle d’une région, on est vite amené à étudier l’industrie agroalimentaire qui a réussi à construire une relation d’interdépendance avec la région qui l’abrite. En France de nombreux produits alimentaire portent le nom de leur département (et vis-et-versa) ou participent à leur renommée. Je me suis donc inspiré de ce secteur et en particulier la filière pêche. Une tannerie de peau de poisson qui valorisait un coproduit de la filière pèche m’avait alors confié qu’ils avaient un déchet : l’écaille. Or l’écaille du poisson contient un polymère naturel qui lui confère ses propriétés de résistance mécaniques et participe à en faire une véritable armure protégeant le poisson. C’est ce polymère que nous cherchons à exploiter et à transformer en un matériau de substitution au plastique : la SCALITE®
Nous souhaitons faire partie de la solution dans la lutte contre les méfaits du tout plastique
Quelles applications ?
Même s’il existe un large champ d’application pour notre matériau, aujourd’hui nous souhaitons nous concentrer sur un objet : la monture de lunette. Il s’agit d’une application pour laquelle les qualités esthétiques de la SCALITE® seront un atout. Par ailleurs l’industrie utilise conventionnellement l’acétate, qui est un matériau souvent non recyclé et non biodégradable. Notre matériau serait pour eux une solution puisqu’il est entièrement biodégradable. Enfin la lunette est un objet complexe qui constitue un bon test pour ce nouveau matériau 100% écailles de poissons.
Où en êtes-vous ?
Depuis qu’Edouard et moi travaillons sur le projet, une grande quantité de travail a été fournie pour sécuriser un approvisionnement stable en écailles et estimer la taille du gisement. Cela nous donne des indications sur la taille du marché que nous pouvons aborder. Aujourd’hui nous avons établi un procédé de transformation de l’écaille brute en écaille sous forme de poudre que nous pouvons utiliser. Nous avons pour cela bénéficié d’une aide de la BPI. Avec cette poudre, nous produisons des plaques, qui sont ensuite usinées en lunettes.
Nous n'en sommes encore qu’au début de notre aventure. Il nous faut encore travailler sur la recette de notre matériau afin d’améliorer encore ses performances et les rendre viables dans un contexte industriel. Nous espérons pouvoir proposer notre premier modèle de lunette pour l’été 2019.