Le décret offre aux entreprises l’opportunité d’une gestion plus durable de la ressource eau, en encadrant le recours à des eaux impropres à la consommation humaines sur des usages domestiques.
Il définit notamment les types d’eaux pouvant être utilisés, leurs usages et les obligations associées.
L'arrêté en fixe son application, le texte rentre en vigueur le 1er septembre 2024.
I. Le décret
1. Définitions et champs d'application de Décret n°2024 796 du 12 juillet 2024
Les lieux pouvant utilisés des eaux impropres à la consommation humaine sont :
- Les établissements recevant du public sensible (établissements de santé, centres de santé établissements médicaux sociaux, officines, etc…),
- Les établissements recevant du public,
- Les bâtiments (cf. article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation)
- Les lieux de travail.
Les eaux impropres à la consommation humaine pouvant être utilisées « soit directement soit après un traitement proportionné et adapté » sont :
- Les eaux brutes : eaux issues du milieu naturel (eaux de pluies, les eaux douces, les eaux de puits et de forages à usage domestique)
- Les eaux grises : eaux évacuées à l’issues de l’utilisation des douches, des baignoires, lavabos, lave-main et lave-linge,
- Les eaux issues de piscines collectives : eaux issues de opérations de vidange des bassins pédiluves, rampes d’aspersion, et des lavages des filtres.
2. Principales obligations
Le propriétaire des réseaux intérieurs de distribution d’eau recourant à un système d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaines est juridiquement responsable de l’installation.
Le décret définit les obligations du propriétaire (garantie d’absence de risque sanitaire, conformité des réseaux, gestion préventive des risques, mise en place d’un carnet sanitaire de suivi, etc. ).
Les systèmes d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaines peuvent être classés suivant les 3 catégories suivantes :
- Sans déclaration préalable
- Soumis à déclaration
- Soumis à autorisation
Le propriétaire est soumis à des obligations en fonction du statut de son installation.
En cas de dérive du système d’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine présentant un risque imminent pour la santé publique ou une menace sanitaire grave, le propriétaire des réseaux intérieurs doit sans délai prendre des mesures proportionnées et adaptées afin d’assurer l’innocuité de son système vis à vis des usagers.
Les installations relevant de la défense font l’objet d’obligations spécifiques.
3. Conclusion du Décret
Le Décret n° 2024-796 du 12 juillet 2024 établit un cadre réglementaire rigoureux pour l’usage d’eaux impropres à la consommation humaine.
Il vise à garantir une utilisation sécurisée des eaux impropres à la consommation humaine tout en répondant aux besoins croissants de solutions face aux situations de stress hydrique.
La maîtrise de la qualité de ces eaux, leur surveillance continue, et la gestion rigoureuse des risques sont des points forts de ce décret.
L’arrêté du 12 juillet 2024 vient préciser les exigences sanitaires et les critères qualitatifs.
II. L'arrêté
1. Champs d’application et usages autorisés
Les eaux concernées pour des usages domestiques sont : les eaux de pluies, les eaux de forage, eaux de puits et les eaux douces, et les eaux issues des piscines à usage collectif.
L’emploi de ces eaux est conditionné à des usages bien précis. Les établissements recevant du public sensible sont soumis à des dispositions spécifiques (Annexe I – Tableau 1 et 2). Les usages alimentaires et ceux liés à l’hygiène corporelle sont interdits, quel que soit le type d’eau utilisé.
Certains usages restent à titre expérimental, comme le lavage du linge, le lavage des sols en intérieurs ou l’arrosage des jardins à partir d’eaux grises et d’eaux issues des piscines à usage collectif.
La diffusion des eaux impropres à la consommation humaine en ayant recours à des dispositifs d’aérosolisation (tels que les dispositifs haute pression) sont prohibés, sauf cas exceptionnels réalisés par un professionnel. Doit être prise en compte l’absence de public ou de personnes susceptibles d’être exposés aux aérosols.
Pour les autres opérations d’arrosage et de lavage/nettoyage, elles sont effectuées de préférence en l’absence de public et hors période de fréquentation.
2. Conditions d’installation et de séparation des réseaux
Le recours à des systèmes d’utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine doit respecter certaines règles de conception, et notamment :
• Une complète et distincte séparation avec le réseau d’adduction et de distribution d’eau potable,
• Des signalétiques et des repérages (avec une absence de voisinage entre les points de soutirage ECDH* et EICH**),
• Un verrouillage des points de soutirage EICH** (voir une sécurisation en positionnant le point dans un local inaccessible au public dans le cas des ERP**),
• Un comptage des EICH**.
Un traitement des eaux adapté aux EICH et à leurs usages doit être appliqué sans pour autant générer la formation de sous-produits néfastes à la santé et à l’environnement.
Des règles de conception permettant d’éviter la formation de dépôt, la stagnation de l’eau et la montée en température doivent être prises.
Les réservoirs de stockage d’EICH intègrent des règles de dimensionnement et de conception (temps de séjour, absence d’altération de l’eau, trop plein, grille antimoustique, dispositif de filtration dans le cas d’eau de pluie, vanne de vidange totale, protection antipollution, etc.).
Les systèmes d’utilisation d’EICH peuvent faire l’objet de dépôt de déclaration ou de demande d’autorisation auprès du préfet (cf. Annexe I, Tableau 1 de l’arrêté). Le dossier d’autorisation doit comporter notamment une analyse des risques pour la santé publique (Art. 15).
* EDCH = eaux destinées à la consommation humaine
** EICH = eaux impropres à la consommation humaine
***ERP = établissement recevant du public
3. Exigences qualitatives
Les eaux de pluies pour des usages domestiques sont collectées en aval des surfaces inaccessibles et, dans le cas de couvertures, elles doivent être sans présence d’amiante ou de plomb.
Des critères et des fréquences de suivi de qualité des EICH sont prescrits. Ils sont fonctions de leur nature et des usages.
Les paramètres qualitatifs à surveiller sont : E. Coli, Entérocoques, Legionella pneumophila, Turbidité, COT*, éventuellement chlore libre et pH.
Ces critères de qualité (Annexe II-Tableau 3) ne s’appliquent pas aux usages utilisant des eaux brutes (excepté pour le nettoyage du linge et de l’alimentation des fontaines décoratives pour les ERP sensibles) et les eaux des laves-mains intégrés aux toilettes.
*COT = carbone organique total
4. Modalités de surveillance et contrôle
Avant leur mise en service les systèmes d’utilisation d’EICH font l’objet d’une vérification par le propriétaire en lien avec l’installateur qui, lui remet, le cas échéant, une attestation de conformité.
Les critères qualitatifs des EICH font l’objet d’une autosurveillance de la part du propriétaire tout comme le bon état et les paramètres de fonctionnement des installations.
Les systèmes d’utilisation des EICH sont soumis à un entretien courant et une maintenance régulière (à minima 1 fois par an dans le cas de l’utilisation d’eaux grises ou d’eaux issues de piscines collectives).
Ces opérations doivent être réalisées par un professionnel qualifié ; en cas de dysfonctionnement des systèmes, le professionnel doit avertir sans délai le propriétaire qui met en œuvre immédiatement des mesures correctives.
L’ensemble des opérations d’entretien est consigné par le propriétaire dans un document avec le professionnel.
Un carnet sanitaire doit être constitué et mis à disposition des autorités par le propriétaire afin d’assurer la traçabilité des informations inhérentes aux systèmes (Art. 14).
5. Conclusion
Cet arrêté définit techniquement les conditions d’applications du décret pour l’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine.
Il impose de mettre en place des mesures de protection pour la santé publique en définissant des obligations de résultats et de moyens à l’ensemble des intervenants (propriétaires, concepteurs, installateurs).
Article de synthèse rédigé par Christophe Jacques, Référent Eau